Vous devez suivre cette leçon si vous pensez :
Que la Banque de France crée de la monnaie
Que la Banque Centrale Européenne crée de la monnaie
Que l’impression de nouveaux billets est dangereuse car inflationniste
Que la création de monnaie fait baisser la valeur de l’argent
Qu’il ne faut pas fabriquer plus de monnaie qu’il n’y a d’or dans les caves de la Banque de France
Que le paiement des intérêts des prêts fait augmenter la masse monétaire
Que la masse monétaire est égale au volume multiplié par la densité
…
La monnaie remplit trois fonctions :
Moyen de paiement
Moyen d’épargne
Mesure de la valeur des choses (unité de mesure)
La monnaie fiduciaire[1].
Comprend les pièces (monnaie métallique ou divisionnaire) et les billets.
L’utilisation d’un tel moyen de paiement nécessite la réunion de plusieurs unités préexistantes de ce moyen. C’est en quelque sorte un moyen préfabriqué.
La monnaie scripturale
Un moyen de paiement scriptural est édité pour chaque paiement. Il constitue un ordre, donné par le débiteur d’une somme, à son banquier, de mobiliser la somme correspondante en un autre moyen de paiement, au bénéfice de son créancier. C’est en quelque sorte un moyen de paiement sur mesure. L’émetteur de la monnaie scripturale, le banquier, délègue une partie de son pouvoir d’émission à l’utilisateur.
Les moyens de paiement scripturaux sont les chèques, les virements. La carte bancaire en est une variante, appelée parfois monnaie électronique.
[1] Terme évoquant la confiance (fiducia en latin) ; la valeur nominale de ces moyens de paiement étant supérieure à leur valeur intrinsèque, elle ne peut reposer que sur la confiance qu’on leur accorde.
Définition : quantité de monnaie en circulation
(par opposition avec la monnaie utilisée comme moyen d’épargne).
Cependant, la limite entre ce qui circule et ce qui ne circule pas n’est pas nette. Existence d’une gradation des formes d’épargne de la plus liquide à la moins liquide.
Liquidité :
Capacité que possède un avoir (une richesse, un actif) à être utilisé (« mobilisé ») sans délai ni perte comme moyen de paiement.
Classification des formes d’épargne par ordre de liquidité décroissante
|
Critère de délai |
Critère de risque de perte |
L’épargne en espèces (thésaurisation de moyens fiduciaires « à la maison ») |
Aucun |
Aucune perte nominale Risque de perte en terme réel à cause de l’inflation |
Les dépôts bancaires à vue (comptes courants)
|
Aucun ; l’argent est mobilisable sans délai à distance grâce aux moyens scripturaux |
Aucune perte nominale Risque de perte en terme réel à cause de l’inflation |
Les comptes sur livrets (défiscalisés)
|
Délai faible ; nécessité de conversion préalable en espèces |
Aucune perte nominale Protection contre le risque de perte réelle au moyen d’une rémunération à peu près égale à l’inflation |
Les dépôts bancaires à terme
|
Délai plus élevé ; compte bloqué par contrat pour plusieurs années. La rupture de cet engagement nécessite un préavis de plusieurs moins |
Aucune perte nominale La rupture de l’engagement avant terme peut entraîner la perte de certains avantages fiscaux |
L’épargne en valeurs mobilières (actions et obligations)
|
Délai élevé et aléatoire ; nécessité de vendre les titres sur le marché financier pour les convertir en moyens de paiement |
Risque de perte nominale en fonction de l’état du marché financier. Délai et risque sont liés : il peut être nécessaire d’attendre que le marché se redresse pour éviter les pertes en capital. Possibilité de gain en capital en fonction du marché |
Illustration statistique, en milliards d’euros, en décembre 2017
|
France[1] |
Zone euro[2] |
Monnaie fiduciaire (espèces en circulation) |
|
1 112 |
Dépôts à vue |
946 |
6 676 |
Comptes sur livret (France) ou Dépôts remboursables avec un préavis de moins de 3 mois (zone euro) |
642 |
|
Dépôts à terme < ou = 2 ans |
126 |
1 193 |
Composition de la masse monétaire au sens strict :
Espèces en circulation + dépôts à vue.
La masse monétaire est un « stock » d’argent qui alimente le flux monétaire du circuit économique.
Si l’on pose que le flux réel du circuit est égal au flux monétaire, ce qui est vrai a posteriori, on a :
Valeur de l’offre de biens et services sur le marché national = flux monétaire
Or,
Valeur de l’offre = valeur de la production nationale (PIB) + valeur des importations – valeur des exportations
Par exemple, en France, en 2016, on avait[1] :
PIB = 2 228,9 milliards d’euros
Exportations = 652,2 milliards d’euros
Importations = 695,6 milliards d’euros
On en déduit :
Offre de biens et services = 2 228,9 + 695,6 – 652,2 = 2 185,5 milliards d’euros
En décembre 2017[2], la masse des dépôts à vue était de 946 milliards d’euros.
Le taux de croissance annuel de cette masse était de 12,3%.
On peut en déduire qu’en décembre 2016, elle pouvait être égale à :
946 / 1,123 = 842,4 milliards d’euros.
De plus, la quantité de pièces et billets en circulation « dans les poches » des agents économiques non bancaires est estimée à 10% des moyens de paiement en circulation[3].
On peut donc estimer la masse monétaire française en décembre 2016 à 842,4 / 90 x 100 = 936 milliards d’euros.
Cette masse n’a pu acheter les biens et services offerts qu’en étant utilisée plusieurs fois : chaque euro, en changeant de mains, permet l’achat d’une valeur supérieure à 1 euro, et d’autant plus élevée qu’il a plus souvent changé de mains.
D’où la notion de vitesse de circulation de la monnaie, soit ici :
2 185,5 / 936 = 2,33
Chaque euro est utilisé un peu plus de 2 fois en moyenne. Il achète un peu plus de 2 fois sa propre valeur en passant d’une main à une autre.
L’égalité suivante est évidente :
2 185,5 = 2,33 x 936, soit :
Valeur de l’offre = vitesse de circulation de la monnaie x masse monétaire
La valeur de l’offre, quant à elle, représente la multiplication d’une quantité de biens et de services par leurs prix.
On peut donc écrire :
Niveau général des prix x volume des biens et services vendus = vitesse de circulation de la monnaie x masse monétaire
Soit
Q x p = M x V
avec
M : masse monétaire
V : vitesse de circulation de la monnaie
Q : volume des transactions (volume des biens et services vendus)
p : niveau général des prix (son augmentation désigne l’inflation)
Cette équation a été mise en évidence par l’économiste américain des Etats-Unis, Irving Fisher (1867-1947).
[1] Insee et Banque de France, d’après Alternatives économiques, hors-série n° 112, Les chiffres 2018, p. 24
[2] Banque de France https://www.banque-france.fr/sites/default/files/webstat_pdf/evo_mon_fra_2176_fr_si-monnaie_evolution_fr_201712.pdf
[3] Dont 1% pour la seule monnaie métallique. https://fr.wikipedia.org/wiki/Monnaie_divisionnaire
1. Masse monétaire et inflation.
L’équation quantitativiste fut utilisée par Fisher et les adeptes du « monétarisme » pour montrer le caractère inflationniste de l’augmentation de la masse monétaire.
Hypothèses :
Q est constant (les capacités de production sont pleinement utilisées)
V est constant (la vitesse de circulation de la monnaie est une variable de comportement, stable à court terme).
Dans ce cas, si l’on suppose que la masse monétaire augmente, il faut que le niveau général des prix augmente dans les mêmes proportions pour maintenir l’égalité.
Conclusion : l’augmentation de la masse monétaire peut provoquer de l’inflation
Mais d’autres hypothèses permettent de tirer d’autres conclusions.
2. Inflation et masse monétaire.
Avec les mêmes hypothèses :
Q constant,
V constant,
on peut inverser le raisonnement. On peut supposer l’existence d’une inflation due à des causes « réelle » : inflation par les coûts, par les profits.
Dans ce cas, si p augmente, il faut que M augmente pour maintenir l’égalité.
Conclusion : l’augmentation de la masse monétaire peut être une conséquence plutôt qu’une cause de l’inflation.
3. Masse monétaire et croissance.
Hypothèses :
V est constant
p est constant ou contraint (une concurrence, notamment internationale, exacerbée, empêche les prix d’augmenter, tandis que des gains de productivité permettent leur stabilité)
Dans ce cas, si M augmente, c’est Q qui doit augmenter pour maintenir l’égalité.
Conclusion : l’augmentation de la masse monétaire peut être recherchée comme étant favorable à la croissance.
Dans la réalité, l’augmentation de la masse monétaire provoque à la fois de l’inflation et de la croissance, dans des proportions qui dépendent des facteurs structurels suivants :
Force de la concurrence ,
Niveau des gains de productivité,
degré d’utilisation d es capacités de production
Définition :
C’est l’augmentation de la masse monétaire.
Il y a augmentation de la masse monétaire lorsque une de ses composantes augmente sans que d’autres ne diminuent en contrepartie.
Exercice.
Y a-t-il augmentation de la masse monétaire dans chacun des cas suivants ?
1. Emission d’un nouveau billet de banque
2. Retrait d’argent à un distributeur automatique de billets
3. Prêt bancaire accordé à une entreprise
4. Prêt bancaire accordé à un ménage
5. Dépôt par un ménage de billets à sa banque
Réponses :
Non, le billet est mis en circulation en échange d’une autre forme de monnaie
Non, le compte en banque de la personne qui procède à ce retrait est débité de la même somme
Oui, le compte bancaire du bénéficiaire est crédit du montant du prêt
Oui, le compte bancaire du bénéficiaire est crédit du montant du prêt
Non, le nombre de billets en circulation diminue, mais un dépôt banciare augmente du même montant
C’est le secteur bancaire qui crée de la monnaie:
-tout prêt est une création de monnaie scripturale : le bénéficiaire d’un prêt voit son compte bancaire augmenter, sans qu’un autre n’ait diminué, et sans diminution de ses avoirs en monnaie fiduciaire
-tout remboursement est une destruction de monnaie scripturale : le compte bancaire du débiteur est diminué à chaque remboursement.
En revanche, et contrairement à une représentation répandue, les intérêts versés n’augmentent pas la masse monétaire : ils sont prélevés sur les moyens personnels du débiteur, qui ne peut pas les consacrer à un autre usage. C’est pourquoi, en comptabilité, ils sont considérés comme une charge, à la différence des remboursements.
Raisonnons en trois étapes, de la moins réaliste à la plus réaliste
1re hypothèse : il n’existe qu’une seule banque
Si les paiements se font en monnaie scripturale, les banques peuvent créditer les comptes de leurs clients sans jamais avoir à fournir des billets, comme le montre le schéma n° 1.
Si au contraire, les déposants préfèrent régler leurs dettes en espèces, la banque devra posséder suffisamment de billets pour satisfaire leurs demandes et faire face aux retraits[1].
C’est une première limite au pouvoir des banques de créer de la monnaie :
La préférence pour les billets des clients des banques
Parade : la promotion auprès de cette clientèle, de l’usage des moyens scripturaux en général.
2e hypothèse : il existe plusieurs banques
Dans ce cas, chaque banque peut devenir débitrice d’une autre banque et devoir lui fournir des billets, comme le montre le schéma n° 2.
[1] On estime souvent à 12% aujourd’hui (2018) la préférence pour les billets des usagers des banques
C’est une deuxième limite au pouvoir des banques de créer de la monnaie :
Le risque de fuite vers d’autres banques
Cependant, si les banques X et Y ont un nombre à peu près égal de clients, leurs dettes réciproques en billets peuvent être comparables. Chacune ne réglera que le solde, ce qui réduit considérablement la quantité de monnaie fiduciaire qu’elles doivent détenir.
Parade : gagner des parts de marché.
3e hypothèse : il existe plusieurs banques, ainsi qu’une banque centrale.
Il existe une banque centrale par Etat ou par zone monétaire
Une banque centrale remplit les fonctions suivantes :
Emettre la monnaie fiduciaire (pouvoir dont elle détient le monopole)
Contrôler les autres banques (banques commerciales ou de second rang)
Recevoir les dépôts des banques de second rang
Prêter de la monnaie fiduciaire aux banques de second rang
Les deux dernières fonctions permettent de qualifier la banque centrale de « banque des banques ».
Dans le cadre de la politique monétaire de l’Etat, peut exercer 2 types d’actions :
augmenter le coût de ses refinancements (taux d’intérêt directeur)
imposer un taux de réserves obligatoires : obliger les banques de second rang à déposer à leur tour une partie des dépôts de leurs clients auprès de la banque centrale, sur un compte bloqué non rémunéré.
constitue ainsi une 3e limite au pouvoir des banques de créer de la monnaie :
Une politique restrictive de la banque centrale
Création de monnaie dans un pays, sur une certaine période = somme des nouveaux crédits réalisés par ses banques durant cette période - somme des remboursements des anciens crédits.
Exemple fictif :
périodes |
N |
N+1 |
N+2 |
N+3 |
N+4 |
N+5 |
nouveaux crédits |
1 000 |
1 500 |
2 000 |
2 500 |
2 000 |
1 500 |
remboursements |
|
1 000 |
1 500 |
2 000 |
2 500 |
2 000 |
création nette de monnaie |
|
500 |
500 |
500 |
-500 |
-500 |
Conclusion : la masse monétaire augmente si la demande de crédit est croissante.