Vous devez lire ce chapitre si vous pensez :
Que le circuit économique consiste à recycler les matières premières
Que les ménages perçoivent des salaires
Que l’Etat est le principal acteur économique
Que la valeur ajoutée est une preuve de l’exploitation des ouvriers
Que l’épargne est une cause de surproduction et de crise
…
La comptabilité nationale est une représentation du circuit de l’économie nationale.
Elle définit des acteurs (agents) par leur fonction et les groupe à l’intérieur de « secteurs institutionnels ». Voir tableau 1.
Tableau 1
SECTEUR INSTITUTIONNEL |
AGENTS CONCERNES |
FONCTION ECONOMIQUE |
Les ménages |
personne seule famille communauté
|
consommation |
entreprise individuelle |
production de biens et services marchands non financiers |
|
Les sociétés non financières |
Entreprises en sociétés commerciales (SA SARL…)
|
production de biens et services marchands non financiers |
Les sociétés financières |
intermédiaires financiers (banques Assurances) |
collecte d’épargne auprès de certains agents et sa mise à la disposition d’autres agents |
Les institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLSM) |
associations syndicats partis Eglises |
production de services non marchands destinés aux ménages |
Les administrations publiques (APU) |
Etat Collectivités locales Sécurité Sociale |
production de services non marchands ou redistribution de revenu ou de patrimoine |
Le Reste du monde |
agents non résidents |
|
Comment calculer ce flux ? L'addition des ventes de toutes les entreprises en donne-t-elle une idée exacte ? Voir le tableau 2.
Tableau 2
Branche |
Produit ou service |
Chiffre d’affaire |
Consommations intermédiaires |
Valeur ajoutée |
Elevage bovin |
peaux brutes |
1 000 |
600 (importés) |
400 |
Tanneries |
cuir |
1 500 |
1 000 |
500 |
Industrie de la chaussure |
chaussure |
2 500 |
1 500 |
1 000 |
Distribution |
distribution |
4 000 |
2 500 |
1 500 |
TOTAL |
|
9 000 !!! |
|
3 400 |
Le tableau montre que, si l’on additionnait les ventes, c’est-à-dire les chiffres d’affaires des entreprises, on compterait plusieurs fois la même production.
Il en résulte qu’il faut additionner les valeurs ajoutées des entreprises
Définitions
Valeur ajoutée = valeur de la production moins valeur des consommations intermédiaires
La valeur ajoutée peut se définir au niveau d’une entreprise ou d’une branche.
Une branche est l’ensemble des unités de production faisant le même produit ou ayant la même activité.
Une unité de production est une entreprise ou une partie d’une entreprise. Exemple : Une entreprise cultivant des arbustes et réalisant des aménagements paysagers sera classée en 2 branches, l’une, la pépinière, relevant du secteur agricole et l’autre, l’aménagement paysager, relevant du secteur des services.
Produit intérieur brut (PIB) = somme des valeurs ajoutées des branches sur un territoire donné.
De même que le prix d’un produit peut se présenter hors taxe ou TTC (« toute taxe comprise ») selon qu’il inclut, ou non, la TVA, de même et par analogie, on peut définir un PIB TTC, qui est la définition comptable précise du PIB. On a alors :
PIB = somme des valeurs ajoutées + TVA + taxes douanières
Illustration : en France, en 2016, le PIB était égal à 2 228,9 milliards d’euros[1]
[1] Alternatives Economiques, hors-série n+ 112 – « Les chiffres de l’économie 2018 », p. 24 : indicateurs, économie française
C’est la répartition entre les entreprises et les ménages, donc entre acteurs privés.
Le chiffre d’affaires d’une entreprise est l’argent reçu de ses ventes.
La valeur ajoutée par l’ensemble des entreprises est l’argent issu de leurs ventes.
Une partie reste dans l’entreprise : c’est l’épargne brute des entreprises.
Le reste est distribué aux ménages sous formes de revenus : salaires, dividendes…
Epargne Brute des entreprises = Valeur Ajoutée – revenus des ménages
Illustration : en France, en 2016, l’épargne brute des sociétés non financières représentait 19,8% de leur valeur ajoutée[1] (c’est le taux d’épargne)
[1] Alternatives Economiques, hors-série n+ 112 – « Les chiffres de l’économie 2018 », p. 24 : indicateurs, économie française
C’est la correction de la répartition primaire par la collectivité.
Le Revenu Disponible Brut des ménages (RDB) = revenus primaires + revenus de transfert - prélèvements obligatoires
Les revenus de transfert sont les prestations sociales (indemnités de chômage, prestations familiales, prestations de santé, pensions de retraite, subventions)
Les prélèvements obligatoires comprennent les impôts et les cotisations sociales.
Les impôts sont des contributions obligatoires versées à l’Etat et aux collectivités territoriales.
Illustration : en France, en 2016,le revenu disponible brut des ménages, était de 1 377,0 milliards d’euros[1]
a) Utilisation de l’épargne brute des entreprises
Principale utilisation : renouveler le capital fixe et l’augmenter
Formation brute de capital fixe = renouvellement + formation nette de capital fixe
Le reste est la capacité de financement (mise à disposition des autres acteurs) s’il est positif ; c’est le besoin de financement s’il est négatif.
Illustrations :
En France, en 2016, la FBCF des sociétés non financières représentait 23,3% de leur valeur ajoutée[1] (c’est le taux d’investissement).
En France, en 2016, les sociétés non financières avaient un besoin de financement de 44,9 milliards d’euros (c’est-à-dire une capacité négative de financement)[2]
b) Utilisation du revenu des ménages
Epargne brute des ménages = RDB – consommation finale
La FBCF des ménages mesure leurs actes d’achat immobiliers
L’Epargne brute des ménages est donc en partie consacrée à l’immobilier (FBCF). Le reste est mis à la disposition des autres acteurs : c’est la capacité de financement des ménages.
Illustration : en France, en 2016, la capacité de financement des ménages était de 63,7 milliards d’euros[3]
[1] Alternatives Economiques, hors-série n+ 112 – « Les chiffres de l’économie 2018 », p. 24 : indicateurs, économie française
[2] Source : Insee
[3] Source : Insee
Question générale : au cours d’une période donnée, l’argent qui sort des entreprises est-il équivalent à l’argent qui rentre ? Les entreprises trouvent-elles par la vente de leurs produits de quoi verser ce qu’elles doivent distribuer ?
Construisons le circuit économique en plusieurs étapes, correspondant à plusieurs représentations, de plus en plus complexes de la réalité.
Voir le schéma n° 1.
Dans cette représentation trop simple, on voit que les ménages ont la possibilité de ne pas consommer la totalité de leur revenu. Si tel était le cas, les entreprises ne récupéreraient pas sous forme de chiffre d’affaire la totalité des revenus qu’elles ont distribués. Ce serait la porte ouverte à la récession (baisse du produit intérieur brut représentant le flux monétaire).
Les récessions réelles s’expliquent-elles ainsi ?
Non, car une représentation plus complexe peut dissiper ce risque.
Voir schéma n° 2.
Cette représentation rappelle qu’une partie du chiffre d’affaires des entreprises n’est pas distribuée mais conservée par elles : c’est l’épargne brute des entreprises. Cela introduit un risque supplémentaire : et si cette épargne n’était pas utilisée ?
En outre, une partie des revenus effectivement distribués correspond à la part du chiffre d’affaires que les entrepreneurs individuels, qui sont en même temps des ménages, parviennent à se donner. C’est leur bénéfice, leur revenu, leur épargne brute.
La même question se pose pour eux : que vont-ils en faire ? Vont-ils utiliser ou non cette épargne ?
Les entreprises peuvent utiliser leur épargne pour investir, en achetant des biens de production (machines) à d’autres entreprises. C’est la FBCF. Avec ces dépenses, l’argent reste dans le circuit : il constitue le chiffre d’affaires des entreprises qui fabriquent les biens de production (machines), et qui sera à nouveau distribué. C’est même la « vocation » du bénéfice que d’être investi.
Avec cette deuxième représentation, la récession reste possible si l’épargne brute des entreprises n’est pas totalement investie, c’est-à-dire si les entreprises ont une capacité de financement globalement positive.
Le risque de « fuite » le plus important semble concerner les ménages, car eux n’ont pas « vocation » à investir leur argent (à l’exception de l’immobilier).
Voir schéma n° 3.
Cette représentation montre que, grâce à la présence des intermédiaires financiers, les ménages peuvent mettre leur propre épargne à la disposition des entreprises.
L’épargne des ménages ne sort donc pas du circuit ; elle peut devenir, en partie ou en totalité, un prêt accordé par les banques à des entreprise, puis un investissement, puis du chiffre d’affaires pour d’autres entreprises, et ainsi de suite.
Cette représentation nous permet donc de corriger la conclusion concernant la 3e représentation : non, le risque de stérilisation de l’épargne des ménages n’est pas plus important que le risque de stérilisation de l’épargne des entreprises.
En réalité, aucune représentation du circuit ne serait tout à fait réaliste en l’absence d’une prise en compte de l’Etat et de l’extérieur, ce qui nous renvoie au schéma n° 4.
Cependant, rien ne dit que les projets d’épargne des ménages correspondent exactement aux projets d’investissement et d’endettement des entreprises. Ce serait même une coïncidence qu’il en soit ainsi.
Le déséquilibre existe donc la plupart du temps mais il peut se résorber dans le temps.
C’est ce que montrera la leçon suivante, consacrée à la dynamique du circuit : les déséquilibres existent, mais ils peuvent se résorber dans le temps.